Réalisation des Objectifs, Conduite et Efficacité de la Politique Monétaire en Algérie (1990 – 2013)

Résumé :

L’objectif de ce travail de recherche est d’analyser l’efficacité de la politique monétaire en Algérie sur la période entre 1990 et 2013, à travers plusieurs critères ; l’atteinte des objectifs finaux et intermédiaires, l’efficacité des instruments dans l’atteinte des objectifs et finalement de la relation entre la réalisation des objectifs intermédiaires avec l’atteinte de l’objectif final.

Les résultats de l’étude démontrent que l’objectif final de taux d’inflation est globalement atteint, de même que la stabilité du taux de change effectif. Entre 1991 et 2001, les instruments utilisés par la Banque d’Algérie, ont montré une bonne efficacité dans le control des objectifs assignés, alors que depuis 2001 cette efficacité reste confuse. Entre 2002 et 2013 les résultats en termes d’atteinte des objectifs intermédiaires fixés démontrent une certaine faiblesse dans la maitrise de ces derniers.

Finalement, le lien entre l’atteinte de l’objectif final de taux d’inflation et les objectifs intermédiaires, de masse monétaire et de crédits à l’économie, reste très faible pour la période considérée, alors que leurs résultats évoluent généralement dans des sens opposés, attestant des difficultés dans la fixation des objectifs intermédiaires.

Introduction :

L’efficacité de la politique monétaire et sa capacité à influencer l’activité économique dépendent en grande partie de la crédibilité de la banque centrale, cette dernière dépendant de facteurs institutionnels mais aussi historiques. Ainsi la crédibilité est généralement fonction de trois facteurs à savoir : l’efficacité dans l’atteinte des objectifs, l’indépendance et la transparence. Si la Banque d’Algérie jouit d’une part importante d’indépendance de facto comme le souligne M.C Ilmane (2007), elle fait état d’un certain manque de transparence qui nuit à sa crédibilité selon Fekir H. (2007). Cependant, ces deux facteurs institutionnels ne sont pas suffisants pour justifier de la crédibilité d’une banque centrale, comme le soulignent d’ailleurs Bensafta K.M.& Semedo G. (2014).

En ce sens, l’atteinte des objectifs de la politique monétaire et leur cohérence avec les instruments utilisés constitue une condition essentielle pour juger de l’efficacité de la politique monétaire. Cependant, l’atteinte des objectifs finaux n’est pas forcément suffisante, dans la mesure où ce résultat peut dépendre de facteurs exogènes à la politique monétaire elle-même. Ainsi, l’objectif de ce papier est d’étudier, dans un premier temps, la relation entre les instruments de la politique monétaire et les objectifs intermédiaires fixés, ensuite, dans un second temps, étudier la relation entre les résultats en terme d’atteinte des objectifs intermédiaires et des objectifs finaux.

Ainsi, depuis le début des années 1990, la politique monétaire en Algérie a connu trois évolutions importantes passant d’objectifs finaux, sans cible claire, de stabilité des prix et de plein emploi à la fixation d’objectifs intermédiaires de plafonnement de la masse monétaire et des crédits. Finalement, depuis 2002, la Banque d’Algérie a introduit des cibles quantitatives bien définies. Parallèlement à l’évolution des objectifs, les instruments de politique monétaire ont aussi connu des changements importants passant d’instrument de refinancement avant 2001, période caractérisée par un assèchement des liquidités, à des instruments de résorption de la liquidité après l’avènement de l’excès de liquidité dans le système monétaire algérien.

Dans ce cadre, au cours de cette étude, nous analyseront, dans une première partie, les objectifs de la politique monétaire et les résultats obtenus pour ces derniers. Une seconde partie est consacrée aux instruments utilisés par la Banque d’Algérie et leur efficacité dans l’atteinte des objectifs fixés. Finalement, au cours de la troisième partie nous étudierons la relation entre les résultats dans l’atteinte des objectifs intermédiaires avec ceux de l’objectif final de taux d’inflation.

  1. Les Objectifs de la Politique Monétaire:

Toute politique monétaire, et plus généralement toute politique, poursuit des objectifs déterminés, ces derniers sont hiérarchisés principalement en trois niveaux ayant une relation très étroite entre eux.

L’objectif final de la politique monétaire dans la plupart des pays est l’atteinte d’une inflation modérée et stable suivant une logique monétariste, cependant, cet objectif peut être l’un des autres déterminants du carré magique de Nicolas Kaldor, à savoir la croissance économique suivant une optique keynésienne, l’excédent extérieur ou encore un objectif de faible taux de chômage[1].

Cependant, l’objectif final ne peut généralement pas être atteint directement par les instruments de la politique monétaire d’où le recours à des objectifs intermédiaires plus ou moins maitrisables supposés influencer directement les objectifs finaux, généralement une cible de taux de change, un agrégat monétaire ou une fourchette de taux d’intérêt. Finalement, si ces derniers s’avèrent difficilement atteignable la banque centrale fixe des objectifs opérationnels qu’elle peut influencer facilement comme la base monétaire ou le taux de refinancement bancaire.

En Algérie, ces objectifs sont déterminés par le Conseil de la Monnaie et du Crédit sur la base des propositions et analyses de la Banque d’Algérie, cependant l’introduction de cibles quantitatives déterminées n’est intervenue que depuis le début des années 2000. Ainsi, on distingue globalement trois groupes d’objectifs finaux correspondant à trois périodes différentes comme le soulignentles études d’Ilmane M. C. (2007),MedaciN. (2014) ainsi que le rapport du CNES (2005) sur la politique monétaire.

  • Entre 1990 et 1994 :

Une première période entre 1990 et 1994 qui marque la réactivation de la politique monétaire par l’introduction de la loi 90-10 qui fixe les objectifs finaux de la politique monétaire à savoir l’atteinte du plein emploi[2] ainsi que la stabilité interne et externe de la monnaie et donc la stabilité du niveau des prix (inflation) et du taux de change.

  • Entre 1994 et 2001 :

La seconde période entre 1994 et 2000 est marquée principalement par l’aggravation de la crise économique en Algérie et la mise en place des plans de stabilisation puis d’ajustement structurel après l’intervention du Fonds Monétaire International (FMI). C’est ainsi, que les objectifs de la politique monétaire introduit par l’instruction 16-9, se devait de minimiser les effets négatifs de ces plans. C’est aussi cette période qui a vue l’introduction des objectifs intermédiaires et opérationnels.

Ainsi, l’objectif final est la maitrise du niveau d’inflation, qui a atteint des taux importants pendant cette période, soit un maximum de 29% en 1995, mais avec un second objectif, de permettre un certain niveau de croissance, moins important hiérarchiquement.  Pour l’atteinte de ces objectifs, il a été procédé à l’instauration de deux objectifs intermédiaires à savoir la limitation de la croissance de la masse monétaire et des crédits.

Ces objectifs ont été assortis de deux objectifs opérationnels consistant en un plafonnement de la croissance des avoirs intérieurs nets de la banque centrale (crédits à l’état et refinancement des banques) et ceux des banques commerciales (crédits à l’état et crédits à l’économie).

Les résultats en termes d’inflation ont été globalement atteint pendant cette période, cette dernière passant de près de 32% en 1992, à 29% en 1995 et baisse jusqu’à atteindre 0,3% pendant l’année 2000.

  • A partir de 2001 :

Finalement la troisième période, à partir de 2001, est marquée par l’introduction d’objectifs quantitatifs clairs. Ainsi la banque centrale a pour seul objectif final la maitrise de l’inflation avec une cible de 3% entre 2001 et 2006, cet objectif passe à 4% depuis l’année 2009 avec entre temps, 2007 et 2008, la mise en place d’une fourchette entre 3% et 4%. Parallèlement à cet objectif final, le conseil de la monnaie et du crédit fixe trois objectifs intermédiaires à savoir une fourchette, relativement étroite[3], de croissance pour la masse monétaire (M2) et une autre pour les crédits à l’économie ainsi qu’un troisième objectif qui n’est pas fixé quantitativement à savoir la stabilité du taux de change[4]. Il se dégage aussi des rapports de la banque d’Algérie, que cette dernière poursuit deux objectifs opérationnels, à savoir un taux d’expansion de la base monétaire et la stabilité du multiplicateur de crédits.Ainsi nous allons d’abord analyser la réalisation des objectifs assignés.

 

  • Analyse des Objectifs:

Tout d’abord commençons avec l’analyse de l’objectif d’inflation en nous appuyions sur le graphique suivant:

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Nous remarquons que depuis l’adoption d’un objectif quantitatif pour l’inflation, celle-ci est globalement maitrisée autour de la cible fixée, avec une parfaite correspondance pendant les années 2007 et 2010. Notons cependant, un écart important par rapport à l’objectif de 4% pour l’année 2012 alors que l’inflation annuelle a atteint 8,9% soit un écart de près de (+5%) par rapport à la cible, et à un degré moindre pour l’année 2009, ou l’inflation s’est établi à 5,7%. Ces deux années sont synonymes de chocs externes, crise internationale pour l’année 2009, ou internes, fortes pressions sociales découlant sur des hausses salariales importantes pendant l’année 2012. Alors que la politique monétaire suivie n’a pas pu répondre à ces chocs.

  • Masse monétaire :

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Le graphique précédent nous permet de constater que le taux de croissance de la masse monétaire a été rarement contenu dans la fourchette d’objectifs fixée par la banque d’Algérie, bien qu’elle soit révisée annuellement. L’écart pendant la plupart des années est assez important, notamment (-10%) en 2008, (-7%) en 2009, (+6%) en 2011. Cependant, les résultats des deux dernières années de l’étude laisse présager une amélioration dans l’établissement des objectifs quantitatives, la croissance de la masse monétaire étant comprise dans la fourchette pour l’année 2012 et s’en écarte légèrement (-0,6%) pendant l’année 2013.

  • Crédits à l’économie :

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Graphique n°03 : Objectifs et Evolution des Crédits à l’Economie en Algérie (2004 – 2013)

Le graphique précédent fait ressortir des résultats divergents selon l’année considérée, ainsi l’évolution des crédits à l’économie correspond à la fourchette d’objectifs fixée pour les années 2008,2010 et 2012 alors qu’elle s’en éloigne largement en 2005 (+19%), en 2009 (-7,2%) et en 2011 (-6,8%). Ces résultats démontrent un faible control de l’évolution des crédits à l’économie et de la masse monétaire, dans un contexte ou l’instrument principal de conduite de la politique monétaire, à savoir le réescompte, ne peut plus être utilisé du fait de la forte liquidité du système bancaire. Ceci malgré l’introduction des instruments de reprise de liquidité et d’adjudication négative qui sont sensés atténuer la liquidité bancaire.

  • Taux de change effectif :

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 Graphique n°04 : Evolution du Taux de Change Effectif Réel en Algérie (2001 – 2013)

Concernant l’objectif de stabilité du taux de change réel, nous pouvons remarquer d’abords une baisse importante entre 2001 et 2003 où il passe de près de 122 points indiciaires à près de 102 soit une baisse de 20 points sur deux années. A partir de l’année 2003 le taux de change effectif réel se stabilise dans une fourchette entre 95 et 105 points indiciaires avec des variations légères d’année en année atteignant rarement un maxima de 4 points annuellement. Nous pouvons dire que l’objectif de stabilité externe de la monnaie est globalement atteint pour les dix dernières années de l’étude.

  1. Les Instruments de la Politique Monétaire :

Pour l’atteinte des objectifs assignés à la Banque d’Algérie, celle-ci dispose d’un certain nombre d’instruments présents dans les différents rapports de la banque d’Algérie et du CNES (2005) ou encore l’étude d’Ilmane M.C (2007) ou de la Banque d’Algérie (2003). Ainsi, nous remarquons deux grands groupes d’instruments correspondant à la situation économique prévalant, à savoir d’abords un certain manque de liquidité dans le système monétaire suivie d’une période d’excès de liquidité depuis l’année 2001.

  • Avant 2001 :

Encadrement du crédit :

Cet instrument direct consiste en une limitation par voie réglementaire des crédits accordés. Il a été introduit en 1986 dans le cadre du plan national du crédit mais n’a pas été mis en pratique jusqu’à son annulation dans la loi 90-10. Cependant, il a été réintroduit pendant la période de stabilisation, entre 1994 et 1998, sous deux formes ; d’abords un plafonnement des crédits des banques aux entreprises publiques déficitaires, ensuite pour renforcer la première mesure il a été procédé à un plafonnement du montant global et particulier pour chaque banque du refinancement de la banque centrale.

Réescompte :

Cet instrument permet aux banques de refinancer les créances qu’elles détiennent sur leur clientèle auprès de la banque centrale à un taux fixe, le taux de réescompte. Connu d’avance, ce taux est sensé influer directement sur les taux créditeurs et débiteurs des banques. Ce taux a connu une hausse graduelle en passant de 5% en 1988 à 21% en 1995 avant de baisser jusqu’à 6% en 2001 puis 4% en 2004 et reste à ce taux jusqu’en 2015. Les encours du réescompte ont aussi suivit une tendance haussière atteignant leur maximum en 1997, à plus de167 milliards DA avant de chuter jusqu’à s’estomper en 2001.

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Graphique n°05 : Taux et Encours de Réescompte en Algérie (1994 – 2001)

Il est à noter une forte relation entre le taux de réescompte et les encours de réescompte avant 2001, dans la mesure où la hausse progressive du taux de refinancement à partir de 1990 et jusqu’en 1994 à résulter en de faibles montants de refinancement bancaire ponctuant la politique de rigueur suivit pendant cette période. Alors qu’entre 1995 et 1997, avec la baisse du taux de réescompte, on remarque une hausse des montants de refinancement qui restent importants jusqu’en 1999 où ils commencent à baisser rapidement pour s’estomper à partir de 2001, marquant l’avènement d’un excès de liquidité dans le système bancaire. D’ailleurs le test de causalité au sens de Granger, avec deux périodes de retard, révèle un fort impact du taux de réescompte sur les encours de ce dernier.

Pairwise Granger Causality Tests
Date: 27/08/15   Time: 16:45
Sample: 1990M01 2002M01
Lags: 2
 NullHypothesis: Obs F-Statistic Prob.
 REESENCOURS does not Granger Cause REESCOMPTE  95  1.40192 0.2514
 REESCOMPTE does not Granger Cause REESENCOURS  5.18189 0.0074

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Graphique n°06 : Taux de Réescompte et Taux Bancaires (1994 – 2001)

Aussi, il existe une forte corrélation entre les taux bancaires, débiteurs et créditeurs, ainsi que le taux de réescompte, comme nous pouvons le remarquer avec les deux graphiques précédents. Cependant, il existe un certain retard avant l’ajustement des taux bancaires aux taux de la banque centrale. Tout ceci atteste d’une certaine efficacité dans la conduite de la politique monétaire durant la période 1994 – 2001.

Prise en Pension :

La prise en pension à 24 heures est réalisée sous forme d’accord bilatérale entre la Banque d’Algérie et la banque commerciale, cette dernière remet une garantie, sous forme de billet de mobilisation global, à la banque centrale ainsi qu’un ordre de virement pour le remboursement, il est alors décidé le montant de l’opération, le taux d’intérêt pratiqué ainsi que l’échéance. Cet instrument a connu une évolution semblable à celle du réescompte son taux atteignant un maximum de 23% en 1995 avant de baisser jusqu’à 4% en 2003, sur la même période son encours est tombé à 0 depuis l’année 2001 alors qu’il avait atteint un maximum de 120 milliard DA en 1997[5].

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Graphique n°07 : Taux et Montants des Prises en Pension en Algérie (1994 – 2001)

Adjudication de Crédit :

L’adjudication se fait sur le marché monétaire par appel d’offre avec deux méthodes, une première avec un taux ciblé qui permet un control sur les taux d’intérêt pratiqués par les banques commerciales, ce qui a été utilisé par la Banque d’Algérie, ou une seconde avec un montant ciblé et taux variable ce qui permet un control sur les quantités, selon les objectifs recherchés par l’opération[6]. Elle s’effectue en achetant des titres aux banques en échange de la monnaie centrale avec une promesse de revente au prix d’achat augmenté des taux d’intérêts. Le taux cible pratiqué par la banque d’Algérie a aussi suivi l’évolution des deux autres instruments en baissant de 19% en 1995 à 4% en 2005.

Evolution du Taux d’Adjudication de Crédit en Algérie (1995 – 2004)

Graphique n°08: Evolution du Taux d’Adjudication de Crédit en Algérie (1995 – 2004)

Pendant cette période les instruments utilisés correspondent relativement aux objectifs assignés à la politique monétaire à savoir un certain control de l’inflation[7], en augmentant les taux pratiqués dans un premier temps avant de les baisser pour permettre un certain niveau de croissance en assurant la liquidité du système monétaire.

 

  • A partir de 2001 :

Réserves Obligatoires :

Les réserves obligatoires sont des dépôts obligatoires rémunérés, en pourcentage des dépôts collectés auprès de la clientèle[8], des banques commerciales auprès de la banque centrale. Ces dépôts ne doivent pas descendre en moyenne mensuelle sous le taux imposé.  Elles ont été introduites en Algérie en 1990 par la loi 90-10 sur la monnaie et le crédit mais n’ont été mise en œuvre réellement qu’à partir de 2001, dans la mesure où la période entre 1990 et 2001 été caractérisée des difficultés importantes dans le secteur bancaire dans le cadre de la crise qui prévalait.

En dehors du rôle initial des réserves obligatoires, la préservation de la stabilité du système bancaire, ces dernières jouent un rôle important dans la conduite de la politique monétaire notamment en période de forte liquidité, comme c’est le cas en Algérie depuis 2001, dans la mesure où elle permette de mener une politique restrictive comme le notent Deiss J.&Gugler P. (2012).

Taux et Montants des Réserves Obligatoires en Algérie

Graphique n°09 : Taux et Montants des Réserves Obligatoires en Algérie (2002 – 2013)

Le taux des réserves obligatoire a évolué d’une façon permettant l’accompagnement de la croissance de l’excès de liquidité du système bancaire, ainsi il est passé de 4.25% en 2002 à 6.5% depuis Avril 2004 s’ensuit une période stabilité jusqu’en 2010 où il passe à 8% pour atteindre 12% en 2013. Parallèlement les montants des réserves ont suivi cette évolution passant de 109.5 milliard de dinars en 2002 à 891.4 milliard de dinars en 2013.

 

Reprises de Liquidité :

Les reprises de liquidités sont des opérations d’adjudication[9] négative à blanc, sans garantie, elles sont effectuées sur le marché monétaire à taux fixe et à un montant prédéfinit par la banque centrale. La durée des reprises de liquidité est variable, c’est ainsi que la Banque d’Algérie utilise trois (3) échéances ; les reprises à sept (7) jours depuis Avril 2002, les reprises à trois (3) mois depuis Juillet 2005 et finalement les reprises à six (6) mois à compter de Janvier 2013. Notons que cette dernière vise, selon M. Laksaci (2013), à résorber l’excès de liquidité structurel des banques tout en incitant ces dernières à collecter des dépôts à plus long terme auprès de leurs clientèles[10].

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Graphique n°10 : Taux et Montants des Reprises de Liquidité en Algérie (2002 – 2013)

Les taux d’intérêt pratiqués sont différents selon l’échéance, tout en respectant une certaine hiérarchie, mais évoluent dans le même sens. Alors que le montant global de ces reprises est en hausse périodique et continue selon les estimations concernant l’évolution de l’excès de liquidité du système bancaire.

Ainsi, le taux de reprise de liquidité est considéré comme le taux directeur de la banque d’Algérie[11], alors que le taux de la facilité permanente, que nous verrons dans le point suivant, est considéré comme le taux plancher du marché monétaire.

  1. Facilités Permanentes de Dépôt :

Les facilités permanentes constituent l’instrument le plus flexible de politique monétaire en Algérie, et ce dans la mesure où il est laissé à l’initiative des banques et accessible à n’importe quel moment de la journée et dont l’échéance est généralement fixée à 24 heure, ainsi on distingue deux types de facilités ; la facilité permanente de prêt qui permet de garantir la liquidité bancaire en accordant aux banques des crédits sur la base de garanties[12] outre le fait de représenter un plafond pour les taux d’intérêt à très court terme des banques commerciales. La facilité permanente de dépôt permet par contre aux banques de constitué des dépôts auprès de la Banque d’Algérie à des taux d’intérêt fixés à l’avance, qui constitue de fait un plancher aux taux d’intérêt à court terme.

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Graphique n°11 : Rémunération et Montants des Facilités Permanentes en Algérie (2005 – 2013)

Cet instrument a été introduit en Algérie depuis la seconde moitié de l’année 2005, Juin, pour absorber la surliquidité du système bancaire, d’ailleurs son efficacité est assez importante dans la mesure où il participe, selon le rapport de la banque d’Algérie (2011) à plus de 44% de la résorption de la liquidité pour l’année 2011. Son taux est relativement stable à 0,03% sauf pour l’année 2007 où il a connu une certaine hausse à 0,10% avant de baisser à 0,07% en 2008 et de retrouver son niveau à 0,03% en 2009 et est resté à ce niveau jusqu’en 2013. Notons que le taux de rémunération des facilités permanentes joue un rôle important dans la répartition des banques commerciales de leur excès de liquidité selon les instruments de placement offert par la banque d’Algérie (reprises de liquidité, facilité permanente, dépôts libres).

  1. Objectifs Intermédiaires et Atteinte de l’Objectif Final :

Théoriquement, beaucoup d’économistes suggèrent une relation positive entre la masse monétaire et l’inflation dont la théorie quantitative de la monnaie formulée par Fischer J.S. (1911) mais aussi reprise dans les théories des cycles réels basés sur le modèle de croissance classique avec anticipations rationnelles de Ramsey F. (1928).Cet impact positif de la masse monétaire sur l’inflation a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses vérifications empiriques, dont une étude de Boschen J.& Mills L. (1988), qui confirment cette relation.

Par ailleurs, certaines études dont celle de Blanchard O. (2000) mais aussi de Mankiw G.& Reis R. (2001), estiment que l’impact sur d’une hausse de la masse monétaire sur les prix peut ne survenir qu’après une période plus ou moins longue du fait de l’existence de rigidités sur les différents marchés ou à cause de la vitesse de circulation de l’information dans l’économie. D’ailleurs les études de Kamgna & Ndambendia (2008) et Mezui-Mbeng (2010) démontre un très faible impact de la masse monétaire sur l’inflation dans les pays de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) qui connaissent une situation d’excès de liquidité.

Finalement, selon l’étude de Sargent T.J. & Wallace N. (1976), les agents anticipent une partie de l’offre de monnaie, celle contrôlée et dévoilée par la banque centrale, cette partie impacte directement le niveau de l’inflation. Alors qu’une seconde partie ne peut être anticipée, non contrôlée ou non dévoilée par la banque centrale, cette dernière n’influence pas immédiatement l’évolution des prix mais seulement après que les agents adaptent leurs anticipations.

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Graphique n°12 : Objectif d’inflation et objectifs intermédiaires (2004 – 2013)

Le graphique précédent illustre la faible corrélation entre les objectifs intermédiaires choisis et l’objectif final d’inflation fixé par la Banque d’Algérie. A titre d’illustration les années 2004 et 2009 enregistre un écart négatif de la masse monétaire et des crédits par rapport à leurs objectifs alors que l’inflation est positive. Par ailleurs, pendant l’année 2006 les taux de croissance enregistrés de la masse monétaire et des crédits étaient supérieurs à leurs objectifs alors que l’inflation enregistré des taux inférieures à son objectif ou même y correspond pour l’année 2007. Finalement, l’année 2012 enregistre un fort écart positif de l’inflation par rapport à sa cible alors que les objectifs intermédiaires étaient parfaitement maitrisés. Tout cela laisse penser une absence de cohérence dans le choix des objectifs intermédiaires fixés par la banque centrale et sensés influé directement sur l’objectif final.

La faible relation entre l’évolution de la masse monétaire et celle de l’inflation concorde avec les résultats des études sur la zone CEMAC qui connait une situation similaire, excès de liquidité. Mais contrairement à celle-ci l’Algérie n’exerce pas un control directe sur son excès de liquidité qui dépend des fluctuations internationales, ce qui laisse penser qu’une partie de l’évolution de la masse monétaire n’est pas contrôlée par la Banque d’Algérie et donc faiblement anticipée par les agents économiques comme le souligne Sargant& Wallace (1976).

D’ailleurs, l’étude de Maamar B.& Amani I. (2015)sur l’impact des chocs monétaires en Algérie entre 1990 et 2014, basée sur une régression linéaire par la méthode des moindres carrés (OLS), démontre un très faible impact, positif, de la masse monétaire M2 sur l’inflation, notamment à partir de 2001, alors que celui des crédits à l’économie est inexistant ce qui va dans le sens des observations précédentes.

Conclusion :

L’Algérie est passée, depuis le début des années 1990par deux grandes périodes qui se distinguent par la situation monétaire de l’économie ; une première entre 1990 et 2001 marquée par un certain manque de liquidité du système monétaire découlant d’une crise économique importante et des mesures de rigueur imposée par le FMI. Une seconde période entre 2002 et 2013 dans laquelle le système monétaire connait un excès de liquidité du principalement aux rentrées de devises découlant des exportations des hydrocarbures qui suivent l’évolution des marchés internationaux. C’est ainsi, que la conduite de la politique monétaire a suivi l’évolution du système monétaire algérien.

La première période, entre 1990 et 2001, a vu la fixation d’objectifs sans cible quantitative précise, concernant notamment la stabilisation du taux de change et du taux d’inflation dans un contexte de fortes pressions inflationnistes due aux mesures de libéralisation, d’ailleurs ces objectifs semblent être globalement atteints. Les instruments, de refinancement, utilisés pendant cette période ont démontré une efficacité importante dans la maitrise des agrégats ciblés par ces derniers, notamment la masse monétaire et les crédits.

Par contre depuis l’année 2002, la Banque d’Algérie a commencé à fixer des objectifs quantitatifs pour l’objectif final, l’inflation, et les objectifs intermédiaires, masse monétaire et crédits à l’économie. L’évolution du taux d’inflation démontre globalement une bonne maitrise de cette dernière aux alentours de l’objectif fixé, à l’exception des années connaissant des chocs exogènes importants. Alors que pour les objectifs intermédiaires, masse monétaire et crédits, les taux constatés divergent généralement des fourchettes objectifs fixées, bien que ces dernières soit revue annuellement.

Concernant les instruments utilisés, les banques commerciales connaissant un excès de liquidité ne recourent plus au refinancement de la banque centrale, d’où l’introduction d’instruments de résorption de liquidité. Bien que fortement utilisés pendant cette période, ces derniers ne démontrent aucun impact direct sur les objectifs intermédiaires choisis.

Par ailleurs, la comparaison des résultats en termes d’atteinte de l’objectif final avec les objectifs intermédiaires démontre une absence de lien entre les deux, ce qui démontre une faible cohérence pratique des choix de ces derniers. D’ailleurs cette absence de lien a été évoquée dans certaines études, théoriques et empiriques, qui suggèrent que cette situation peut être due à un faible control de l’évolution de la masse monétaire. Cette situation correspond à celle de l’Algérie qui connait un excès de liquidité découlant de facteurs externes, prix des hydrocarbures.

Bibliographie :

  1. Banque d’Algérie (2003), Le Marché Monétaire, Note d’Information n°66, Mediabank.
  2. Banque d’Algérie (2002 à 2013), Rapports Evolution Economique et Monétaire en Algérie.
  3. BENSAFTA Kamel Malik & SEMEDO Gervasio (2014), Market Volatility Transmission and Central-Banking: What happened during the subprime crisis?, International Economic Journal, Vol.28, n°4.
  4. BALNCHARD Olivier (Fevrier2000), What do we Know about Macroeconomics that Fisher and Wicksell did not?, NBER Working Papers.
  5. BOSCHEN John & MILLS Leonard (1988) Test of the Relation between Money and Output in the Real Business Cycle Model, Journal of Monetary Economics, N°22.
  6. CNES (28 Mai 2005) Regards sur la Politique Monétaire en Algérie, 26ème Session Plénière
  7. DEISS Joseph & GUGLER Philippe (2012) Politique Économique et Sociale, éditions De Boeck Université, Bruxelles.
  8. FISCHER Irving (1911), The Purchasing Power of Money, The Macmillan Co.
  9. FEKIR Hamza (2007), La Crédibilité et l’Indépendance des Banques Centrales ; d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, Université d’Oran.
  10. ILMANE Mohamed Chérif (Octobre 2007) Efficacité de la Politique Monétaire en Algérie 1990 2006 une appréciation critique, 11ème Rencontre Euro-méditerranéenne, Nice.
  11. KAMGNA Séverin Yves & NDAMBENDIA Houdou (Juin 2008) Excès de Liquidité Systémique et Effectivité de la Politique Monétaire : Cas des Pays de la CEMAC, BEAC.
  12. LAKSACI Mohammed (2013) Accélération de l’Inflation en 2012 en Contexte de Décélération Monétaire, Réunion Annuelle des Directeurs de Succursales et Agences de la Banque d’Algérie, Alger.
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