Conférences plénières
Les sols non saturés : Rétrospective et perspectives géotechniques face au changement climatique
Lorsqu’on effectue une rétrospective bibliographique sur l’étude des sols non saturés sur ces 50 dernières années, on constate que de nombreuses avancées et d’importants développements scientifiques ont été réalisés.
Cependant, la mise en pratique aujourd'hui du fruit de ces avancées scientifiques dans les études géotechniques au quotidien et de manière aisée, n’est pas évidente et présente encore des difficultés.
De nombreux géotechniciens praticiens, bien qu’au courant de ces avancées, restent sur une application empirique et très qualitative de la géotechnique des sols non saturés, basée essentiellement sur des règles empiriques ou des corrélations à partir d'essais d'identification comme par exemple les limites d'Atterberg.et la teneur en eau ou à partir d'essais simples à réaliser (retrait, gonflement...).
Ce sont ces règles, parfois très simplistes et très prescriptives, qui seules guident aujourd’hui les praticiens dans la compréhension et le diagnostic des phénomènes en relation avec le comportement des sols non saturés et dans leur prise en compte pour définir les solutions et prescriptions constructives à adopter pour concevoir les ouvrages neufs ou pour procéder à la remédiation d’ouvrages s’ils sont sinistrés.
A titre d'exemple, des notions fondamentales qui régissent les sols non saturés et leur comportement, comme par exemple la "succion" (ua-uw) et sa détermination ou sa quantification, afin de les utiliser dans un modèle de calcul, ne sont quasiment jamais mentionnées ni prises en compte. Cet état de fait contribue à la méconnaissance par les praticiens des notions fondamentales du comportement des sols non saturés et souvent à la définition de solutions géotechniques inadaptées ou surdimensionnées, voire insuffisantes, pour traiter les projets impactés ou faisant intervenir des sols non saturés.
En outre, les règles et normes de conception, de justification et de construction d'aujourd'hui, n'abordent que très peu ces aspects "Sols non saturés". Même si parfois il est fait mention de ces aspects dans ces règles, il n'y a quasiment pas de prise en compte quantifiée du risque et comment s'en prémunir de manière efficace et pérenne pour les ouvrages.
Le changement climatique qui s'opère de plus en plus fortement et de plus en plus rapidement, provoque des déséquilibres dans le sol qui deviennent insupportables par nombre de constructions et d'ouvrages, dépassant ainsi leur capacité de résistance et provoquant des désordres inacceptables sur ces ouvrages. Le coût des réparations inhérent à ces désordres et leur multiplication sont devenus ces dernières décennies une préoccupation majeure et critique. Cela nous conduit à s'intéresser à nouveau à ces sujets et problématiques qui deviennent cruciaux aujourd'hui et qui nécessitent de trouver des solutions efficaces et pérennes et à mener des actions de sensibilisation, de formation et d’adaptation des règlements de construction. Ceci devrait favoriser et privilégier le développement et la mise en œuvre de solutions techniques de construction et de réparation durables qui peuvent s'adapter aux conséquences du changement ou en imaginer de nouvelles, comme celles faisant intervenir des traitements de sols ou des dispositions techniques efficaces, économiquement acceptables et respectueuses de l’environnement.
Gonflement et retrait des matériaux biosourcés : une approche microscopique et macroscopique pour ces milieux poreux et hygroscopiques
Naima Belayachi
Le développement des matériaux biosourcés ces dernières années est une alternative intéressante aux matériaux classiques permettant d’allier à la fois performance technique et environnementale. En effet, face à l’urgence environnementale, l’utilisation de matériaux issus de filières locales, peu transformés, à base de co-produits agricoles ou industriels est une solution permettant de réduire la consommation d’énergie, la surexploitation des ressources naturelles granulaires et la pollution du secteur du bâtiment.
Dans le cadre de plusieurs programmes de recherche, les granulats végétaux (paille, tournesol, colza) produits localement dans la région Centre Val de Loire ont été mélangés à différents liants (chaux, terre crue) pour développer des matériaux isolants avec des performances thermiques et hydriques pour la réhabilitation énergétique du bâti ancien [1-3] pour répondre à une action prioritaire de la transition écologique.
Comme les sols et les géomatériaux, les matériaux biosourcés sont des matériaux poreux très sensibles aux variations de l’humidité ou la teneur en eau avec un comportement fortement hygroscopique. De plus, cette forte sensibilité aux variations d’humidité se traduit par des variations dimensionnelles de gonflement et retrait, ce qui peut entrainer des fissurations. Ce phénomène a un effet significatif sur leur comportement et leur mise en œuvre à l’échelle du bâtiment. Il est donc important de mesurer et comprendre le gonflement et retrait de ces nouveaux matériaux à l’échelle du granulat et des biocomposites. A l’échelle microscopique, l’évaluation du gonflement-retrait des granulats est basée sur une méthode de microscopie optique avec une analyse de l’influence de leur propriétés hydriques et biochimiques [4].
Cependant à l’échelle macroscopique des biocomposite, une nouvelle méthodologie de mesure et d’évaluation du gonflement et retrait a été développée basée sur une mesure sans contact et en appliquant des cycles d’humidification/séchage. Les résultats ont mis en évidence un comportement irréversible et différent selon le type des granulats. Le prétraitement des granualts avant leur incorporation dans le mélange a révélé une réduction significative.
Références :
[1] N. Belayachi, M. Bouasker, D. Hoxha, and M. Al-Mukhtar, ‘Thermo-Mechanical Behaviour of an Innovant Straw Lime Composite for Thermal Insulation Applications’, AMM, vol. 390, pp. 542–546, Aug. 2013, doi: 10.4028/www.scientific.net/AMM.390.542.
[2] B. Ismail, N. Belayachi, and D. Hoxha, ‘Hygric properties of wheat straw biocomposite containing natural additives intended for thermal insulation of buildings’, Construction and Building Materials, vol. 317, p. 126049, Jan. 2022, doi: 10.1016/j.conbuildmat.2021.126049.
[3] Y. Brouard, N. Belayachi, D. Hoxha, N. Ranganathan, and S. Méo, ‘Mechanical and hygrothermal behavior of clay – Sunflower (Helianthus annuus) and rape straw (Brassica napus) plaster biocomposites for building insulation’, Construction and Building Materials, vol. 161, pp. 196–207, Feb. 2018, doi: 10.1016/j.conbuildmat.2017.11.140.
[4] C. Achour, S. Remond, et N. Belayachi, « Swelling and shrinkage of plant aggregates: experimental and treatment effect », Ind. Crops Prod., vol. 203, p. 117173, nov. 2023, doi: 10.1016/j.indcrop.2023.117173.
PEUT-ON GENERALISER LE CONCEPT DE CONTRAINTE EFFECTIVE AUX SOLS NON SATURES ?
Nabil ABOU-BEKR Université de Tlemcen
Le comportement mécanique des sols saturés est gouverné par une seule variable de contrainte : c’est la contrainte effective de Terzaghi (1925). Le comportement hydromécanique des sols non saturés est beaucoup plus complexe que celui des sols saturés en raison de la présence d’une troisième phase gazeuse et des interactions entre les trois phases qui induisent une pression interstitielle négative qu’on appelle succion. Dès 1959, Bishop a tenté d’étendre le principe de contrainte effective aux sols non saturés mais sa formulation a subi de nombreuses critiques de la part de la communauté scientifique (Jennings et Burland, 1962) car elle ne rend pas compte de l’ensemble des phénomènes observés comme l’effondrement. Au début des années soixante, une nouvelle approche a émergé. Elle suggère que le comportement des sols non saturés est gouverné, non par une seule, mais par deux variables indépendantes de contrainte : la contrainte totale nette et la succion (Coleman, 1962 ; Matyas et Radhakishna, 1968 ; Fredlund et Morgenstern, 1977). Cette nouvelle approche n’a pas été épargnée non plus par les critiques et notamment par rapport à la transition entre les domaines saturé et non saturé, qui induit de nombreuses difficultés dans le calcul des ouvrages. C’est dans ce contexte que l’approche en contrainte effective généralisée a été réexplorée par de nombreuses équipes de recherche à travers le monde. Certains auteurs ont souligné que les arguments avancés en défaveur de la généralisation du concept de contrainte effective aux sols non saturés sont trompeurs, en ce sens qu’ils ont porté un jugement plutôt sur l’expression même de la contrainte effective que sur le contexte dans lequel elle est utilisée (Khalili et al., 2004 ; Nuth et Laloui, 2008).
On essaye de mettre la lumière sur les diverses formes de propositions de généralisation ainsi que sur leurs avantages et inconvénients. Certains auteurs ont suggéré des expressions plus ou moins simplifiées du paramètre de Bishop (Vanapalli et al., 1996 ; Loret et Khalili, 2000 ; Gray et Schrefler, 2001 ; Laloui et al., 2003 ; Coussy, 2004). D’autres auteurs ont proposé des fonctions plus élaborées pour rendre compte de la contribution de la succion à la contrainte effective en se basant sur une approche microstructurale (Gili et Alonso 1988 ; Taibi 1994 ; Lu et Likos 2006 ; Maranha et al., 2022) ou sur une approche énergétique (Gray et Schrefler, 2001 ; Coussy et Dangla, 2002). Ces définitions généralisées sont en mesure de reproduire l’ensemble des propriétés du comportement hydromécanique des sols non saturés si elles sont mises en œuvre dans un cadre de travail adapté comme celui de l’élastoplasticité (Kohgo et al., 1993 ; Modaressi et Abou-Bekr, 1994 ; Loret et Khalili, 2000 ; …). Une troisième approche combinée propose de considérer deux variables de contrainte, l’une d’elles étant une contrainte effective généralisée (Pereira et al., 2005 ; Alonso et al., 2010, …). La question de la généralisation de la contrainte effective aux sols non saturés n’est pas encore totalement tranchée comme en témoignent les nombreux travaux scientifiques récents et en cours (Khalili et al, 2022 ; Zhang et Houston, 2024 ;…).
Mots clés : sol, non saturé, comportement hydromécanique, modélisation, variable de contrainte, contrainte effective.